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apprendre, pas même la musique : mon seul plaisir était de tapoter sur le piano, que je n’avais jamais appris, tout ce qui me passait par la tête. Ma mère se désespérait de mon inaptitude et, à son grand chagrin, elle se résolut à me mettre dans une pension en renom, où Hérold avait été élevé, la pension Hix, rue Matignon.

Il me fut bien dur de passer des douceurs de la maison paternelle aux rigueurs d’une éducation en commun. Je me rappelle que le jour de mon entrée en classe, un élève récitait le pronom Quivis, quævis, quodvis, et que la barbarie de ces mots me fit frémir d’une terreur indéfinissable. J’ai conservé un si mauvais souvenir des jours de collège que, plus de vingt ans après en être sorti, étant marié et auteur d’ouvrages qui avaient eu quelques succès, je rêvais que j’étais encore écolier et je me réveillais frissonnant et couvert d’une sueur froide.

Quoique protégé par la Cour impériale, professeur des enfants de Murat et de ceux de tous les grands dignitaires de l’Empire, mon père était foncièrement royaliste ; je me rappelle donc moins les splendeurs de l’Empire que les mauvais côtés de cette époque si brillante. Les familles amies de la mienne avaient été décimées par la conscription : ma mère me serrait quelquefois dans ses bras et m’y pressait en s’écriant tout en larmes : Pauvre enfant,