théâtre, et écoutant avec un sérieux admirable les courantes et les rigaudons du nouveau secrétaire du roi. Quelques jours après M. de Louvois rencontra Lully à Versailles. — Bonjour, mon confrère, lui dit-il en passant. Cela s’appela un bon mot de M. de Louvois ; chacun voulut se l’approprier, et il n’y eut pas si grand seigneur qui apercevant de loin le musicien, ne l’apostrophât d’un : Bonjour, mon confrère. Cette plaisanterie fut tellement répétée, que depuis longtemps il n’allait à Versailles que quand il ne pouvait faire autrement.
Il était à dîner avec quelques-uns de ses acteurs et de ses musiciens, au cabaret du Cerceau d’or, sur la place du Palais-Royal ; le repas avait été fort gai, et le vin n’avait pas été épargné. Il faisait à ses camarades un de ces bons contes qu’il racontait si plaisamment et qui l’avaient fait autrefois rechercher des plus grands seigneurs, quand on vint l’avertir que sa femme le faisait demander au plus vite, parce qu’un carrosse de la cour le venait chercher pour l’amener à l’instant à Versailles. « Oh ! se dit-il, cela m’a bien l’air d’être un tour de Madeleine, qui n’aime pas que je reste trop longtemps à table quand je dîne hors du logis. Il faut cependant y aller voir, mais si elle me fait vous quitter pour rien, je réponds que je ne rentre pas de huit jours. » Il s’achemina en chancelant vers sa demeure, et vit qu’effectivement sa femme ne l’avait pas trompé. Il se hâta de monter en voiture, s’endormit dans la route, et ne s’éveilla qu’au moment d’arrêt du carrosse. Un abbé se présenta alors à la