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aux exécutants la musique et les instruments, que vous voyez tapisser cette chambre. On est chauffe, éclairé, et l’on peut même amener un ami.

— Mais, lui dis-je, que venez-vous faire ici, vous ?

— Moi, je viens faire ma partie.

— Vous jouez donc de quelque instrument ?

— D’aucun, je ne sais même pas lire la musique, et voilà justement d’où vient la considération que chacun me témoigne ici. J’ai soin de ne jamais me mettre qu’à un pupitre où il y ait au moins deux instrumentistes.

Le chef d’orchestre est un assez bon musicien qui reconnaît parfaitement ceux qui font ce que vous appelez des brioches. Comme je me contente de faire semblant de jouer, il ne m’a jamais remarqué comme coupable d’un pareil méfait, et je passe ici pour être d’une très-grande force. Vous me demanderez pourquoi je viens ici ? C’est parce qu’il y fait chaud, que cela ne coûte pas cher, et que la considération dont je jouis me fait plaisir. La société est du reste parfaitement composée : ce sont des étudiants, des employés, des commerçants qui préfèrent cette réunion aux cafés et aux estaminets, et vous trouverez parmi eux beaucoup de gens avec qui vous serez charmé de faire connaissance.

Pendant que nous causions il était venu beaucoup de monde ; chacun était déjà à son pupitre, et depuis cinq minutes le chef d’orchestre frappait en vain sur son cahier avec son archet pour obtenir un peu de silence.