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moi-même, et, ferme comme un roc, je reste sourd à toutes les supplications. Vous concevrez qu’avec de pareils principes je déménage souvent. Je n’ai jamais pu trouver un propriétaire qui consentît à exiger de mes co-locataires un certificat d’incapacité musicale ; et dès que, malgré des bourrelets à toutes les portes, et mes fenêtres constamment fermées même en été, le son d’un piano, d’un violon, d’un flageolet ou d’une voix arrive jusqu’à moi, le lendemain je donne congé. Je ne vous parlerai pas des orgues de Barbarie et des cors de chasse qui s’exercent à la fenêtre des marchands de vin ; j’ai reconnu depuis longtemps que c’était un fléau qu’il est impossible d’éviter dans une ville un peu civilisée, et que tous les quartiers de Paris y sont sujets. J’ai essayé des logements les plus isolés, les orgues des rues ont été m’y poursuivre. J’ai cru un jour en être quitte : j’avais loué une maisonnette dans la plaine de Monceaux ; depuis trois jours, j’y jouissais d’un silence absolu, lorsque, par une belle matinée d’été, je suis éveillé en sursaut, à quatre heures du matin, par la générale qu’on battait sous mes fenêtres. Je me lève en toute hâte. Jugez de mon désespoir lorsque, mettant le nez à la croisée, je vois une vingtaine de tambours de la garde nationale groupés autour de mon habitation, et faisant une répétition générale de tous les fla et les rrra qu’on peut tirer de cet harmonieux instrument.

Je vis bien que le repos n’est pas fait pour l’homme sur cette terre. J’ai déménagé ; je suis retourné au sein de la grande ville. Je me calfeutre chez moi, et je