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Triste Raison, et autres petits airs de cette fraîcheur, exécutés sans mesure, et avec un accompagnement obligé de fausses notes. Après ce charmant concert, vous êtes forcé de subir l’embrassade promise et de mêler vos compliments à ceux de la famille enchantée. N’est-ce pas qu’elle est vraiment étonnante ? dit le père ; oh ! elle est organisée pour la musique comme on ne l’est pas. Elle retient tous les airs qu’elle entend… Elle n’a que deux ans de leçons. C’est sa mère qui lui montre. Elle est excellente musicienne. Est-ce que vous n’avez jamais entendu chanter ma femme ? Elle a une voix magnifique. Dis-donc, bonne amie, il faut chanter quelque chose à Monsieur. Allons, ne vas-tu pas faire l’enfant, à présent ? Il faut encore joindre vos instances à celles du mari, qui est allé décrocher une vieille guitare qu’il met un quart-d’heure à accorder. Puis, mêlant sa voix à celle de sa moitié, il vous rafraîchit les oreilles de Fleuve du Tage ou de Dormez donc, mes chères amours à deux voix. Ordinairement on prend son chapeau après le dernier couplet, et on se retire en remerciant le couple aimable de la délicieuse soirée qu’il vous a procurée, et l’on ne remet plus les pieds dans la maison.

Moi, qui ai les nerfs fort irritables, et qui, en ma qualité de musicien, ai la musique d’amateurs en abomination, j’ai toujours soin de m’informer si les gens avec qui je suis près de lier connaissance cultivent la musique ; pour peu qu’ils aient le moindre goût pour exercer cet art enchanteur, votre serviteur… je n’en veux plus entendre parler, je me renferme en