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il me conseille, puisque je « versifie », d’entrer à l’Union des Poètes. Il est lié intimement avec l’un des membres de cette société, qui s’y fait mon introducteur : Émile Richebourg. Richebourg faisait des poésies légères et il était, disait-on, le protégé du vieux Béranger. Il me conduisit un jour chez celui que mon grand-père appelait avec tant de solennité et de grasseyement « le chantre de l’Empereur » et dont il chanta les chansons jusqu’à sa mort. Mon père nommait Béranger « le chantre de la liberté et du peuple ».

Jamais je n’ai vu un vieillard plus charmant, plus paternel, plus simple, plus malicieux avec bonté. Il lut ce que je jugeais ma meilleure « inspiration » et me dit en me prenant les mains : « Mon enfant, vous ne serez jamais poète, mais vous pouvez être un écrivain. » L’espérance future n’atténue pas pour moi la critique présente, mais, de même que Richebourg avait souri de la dureté de Béranger à mon égard et de mon air malheureux, de même je souris à mon tour lorsque Béranger ajouta : « C’est comme mon cher Richebourg, qui se croit, lui aussi, sincèrement poète, poète aimable et léger ! Or, je lui prédis la carrière d’un romancier ultra-dramatique, depuis que je lui ai entendu faire le récit d’un assassinat auquel il avait assisté. »

Béranger était prophète. Richebourg fit des pièces et des romans fort dramatiques et il est