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« Qu’est-ce qu’on voit là-bas sur la mer, là, où Apollon se lève ? »

André, Angélique, accourent, mais ils ne comprennent pas « où Apollon se lève ». J’arrive. « C’est la Corse, papa ! Crois-tu que le spectacle soit assez magique ? Le dieu du jour monte, vêtu de lumière dans son char ; ses chevaux, aux crinières embroussaillées de rayons d’or, s’élancent des montagnes de l’île admirable dans un ciel rosé par les doigts de l’Aurore. Tu vois Apollon comme je le vois, n’est-ce pas ?

— Oui, je vois la Grèce, s’écrie mon père. Et dire, que j’ai cru comprendre jusqu’à ce jour Homère et ce qu’il décrivait ! Il faut que je le relise avec ces clartés nouvelles, aujourd’hui même. Tu l’as ici, notre vieil Homère ? Sinon je pars à Cannes, à Nice, en Corse, pour le chercher ! »

J’ai presque peur de voir mon père si exalté, d’autant qu’il refuse tout chapeau, qu’il veut « s’inonder de rayons ».

Le docteur Maure, invité à déjeuner pour fêter l’arrivée de son collègue, s’attache à mon père dès la première heure. C’est qu’il est beau, bon, charmeur, mon affreux papa. Le docteur Maure me l’enlève le jour même, car il va du golfe à Saint-Césaire passer vingt-quatre heures, et il tient à montrer à mon père la superbe vue de la Siagne ; ils reviendront par Grasse, et je