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appeler mon père et fixer notre vie. Il faut que Bruyères lui plaise. Maintenant que je n’ai plus Jean Reynaud, que ferai-je, seule avec Alice, dans cette petite villa isolée, loin de mes amis de Cannes, dont aucun, d’ailleurs, ne peut remplacer celui qui s’en est allé si vite.

Je refais la dédicace de mon Voyage autour du Grand Pin. Elle était gaie et tout ensoleillée. Elle est triste et sombre. J’avais composé ce livre chapitre par chapitre, aux côtés de Jean Reynaud, et il s’était amusé à me le voir écrire, autant qu’à me voir faire mon Bruyères.

Il pleut et repleut à Chauny. Quand échapperons-nous à cette humidité noire qui ajoute à notre douleur ? Nous passons, Alice et moi, quarante-huit heures à Paris, et partons pour Oullins, et de là pour Bruyères.

Enfin, enfin, le voici, notre Bruyères. André, le jardinier, a fait merveille : les deux petites Brigasques ont tout compris et les meubles sont rangés, astiqués. Les bougainvilliers ont été si bien arrosés qu’ils montent déjà à trois mètres. Quelques guirlandes de fleurs de la passion pendent au balcon. C’est du miracle.

J’ai vu en passant Mme  de Pierreclos à Mâcon, qui m’a dit : « Appelez-moi dès qu’il y aura un matelas par terre pour moi. Je me nourrirai avec la polenta de vos petits piémontais, je rangerai, je planterai, je veux être des fondatrices de Bruyères. »

Sitôt arrivée, j’écris à Mme  de Pierreclos :