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il lui avait dit combien ses admirateurs parisiens s’affligeaient de son interminable exil.

« Je ne me sens pas en exil, répondit Victor-Hugo, qu’est-ce que la Patrie ? Une idée ! »

Jamais orage ne fut mieux détourné.

« La Patrie, une idée ! s’écria Mérimée, quand c’est l’image de ce qu’il y a de plus tangible au monde, c’est la chair de notre chair, l’esprit de notre esprit, le cœur de notre cœur. C’est l’amalgame vivant de nos ancêtres, de nos pères, de nous ; c’est la vibration de toutes nos voix. Langue, tradition, science, art, lettres, c’est elle qui les triture pour les faire français. Je pourrais parler cinq heures durant patriotisme comme Cousin peut parler philosophie, j’en déborde. On dit que je ne crois à rien. Je crois en « Elle », en notre France, je suis son fils idolâtre, j’ai son culte jusqu’au fanatisme ! »

Ah ! si j’avais alors ressenti ce que je devais éprouver si violemment après nos défaites, comme j’aurais applaudi à cet emportement superbe d’un homme d’ordinaire si froid, si sceptique.

Je regardai Mérimée avec stupéfaction, comme le regardaient Cousin et le docteur Maure.

« Voilà, ajouta Mérimée brusquement. J’aime l’Empire, je crois à sa nécessité pour mater la poussée révolutionnaire, mais avec l’Empire je sais que la France court le danger des coalitions européennes, d’invasion, c’est pourquoi mon patriotisme toujours en éveil est