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à la bouche, sauf quand il s’agit de spiritualisme. Une pensée vous intéresse cent fois moins qu’un trait d’esprit, et naturellement Sainte-Beuve vous ravit.

— Mieux que cela, il me désennuie.

— Est-ce une allusion ?

— Vous ne m’ennuyez jamais, vous, mon cher Cousin, mais je confesse que parfois votre éloquence me submerge.

— Submerger ne vaut guère mieux qu’ennuyer.

— Pardon, l’ennui stérilise, le flot féconde… en se retirant.

— Vous êtes un courtisan ironiste parfait.

— Courtisan, moi, s’écria Mérimée, courtisan !

— Oui, oui, et il y a beaucoup de gens qui, en parlant de vous comme de l’un de nos plus célèbres écrivains, ajoutent : l’auteur de la fortune de l’Impératrice. Moi, je sais l’histoire de la correspondance de Mlle  de Montijo avec l’Empereur, à Compiègne, je la sais de façon à ce que vous ne puissiez la nier. »

Mérimée prenait fort mal la plaisanterie, et le docteur Maure me fit signe que cela allait se gâter. Je n’y tenais pas. Qu’aurais-je appris en laissant Mérimée et Cousin se débiter des injures ? Je préférais de beaucoup les entendre simplement se lutiner. Je rompis la conversation en racontant que l’un de mes amis m’écrivait qu’étant allé voir Victor-Hugo à Bruxelles,