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peut-il être incompris ? » Mais est-ce que Berlioz lui-même ne l’était pas ?

Nous n’avions pu assister à l’ouverture du Salon, ni Mme  d’Agoult ni moi, et nous remettions sans cesse notre visite, lorsqu’un jour Castagnary, l’un de nos premiers critiques d’art, nous y donna rendez-vous. Il était entré nouvellement ou il allait entrer au Courrier du Dimanche, je ne me le rappelle plus. Avec lui, il fallut d’abord admirer le Parc à moutons, de Daubigny, et un autre tableau de nature, puis un paysage de Corot, trois tableaux de Millet, dont Mme  d’Agoult parla longuement avec Castagnary, lui racontant l’impression qu’elle avait eue deux ans auparavant devant la Femme faisant paître sa vache. Castagnary était dans la joie, car il disait avoir, parmi les premiers, « découvert » Millet. Et avec quel art il l’analysait ! Cette Tondeuse de moutons, ce chef-d’œuvre, comme il nous en détaillait les vérités ! Des trois toiles exposées par Millet, celle que j’aurais le plus désiré avoir c’était l’Attente.

Je commençais à écrire alors mes Récits d’une Paysanne et j’essayais de me pénétrer de cette recherche de la vérité simple, de cette nature à la fois choisie et respectée, qui restait bien elle dans toutes ses expressions, mais, elle, vue par un grand artiste.

« Millet aime les paysans, lui aussi, » dis-je à Mme  d’Agoult.

J’eus ma chiquenaude.