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Et combien de fois dans nos conversations avons-nous répété ce mot, mes parents et moi ! Mme  d’Agoult, à qui j’écrivis la démarche miraculeuse de mon cher ami Arlès, me répondit à quel point elle en était heureuse. Elle ajoutait : « Petite Juliette, travaillez. Envoyez-moi les épreuves de votre Mandarin à revoir, et essayez-vous, dès qu’il sera terminé, à des nouvelles. Cela se place très bien et permet de gagner un peu d’argent. Votre dignité exige vis-à-vis des vôtres que vous ne soyez pas entièrement à leur charge. »

Mme  d’Agoult me parlait à nouveau de Mme  Ackermann. « De sa demeure haute, me disait-elle, la vue est superbe ; mais quand la lune trace un sillage d’or sur la mer en fusion, ou quand la lumière du jour enveloppe l’infini d’azur, elle blasphème et crie à l’isolement de l’homme. Et pourtant cette femme est une grande artiste. Elle a puisé aux sources traditionnelles les secrets du rythme. Son vers a toutes les élégances de la forme, toute la valeur des mots cherchés dans l’image vécue ; mais on ne sent en elle que la colère ; ni l’amour ni la maternité n’ont fondu dans la douleur ou dans la joie ce cœur incessamment irrité ; jamais le divin ne l’a frôlée. Je lui répète souvent : « Vous êtes un monstre d’ingratitude. Vous avez fixé un art, vous vivez dans le plus beau pays du monde et sans cesse vous accusez la vie. »

« Il est vrai qu’elle est laide, ajoutait