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arrivée fraîchement de Mâcon et qui venait de reprendre son heure de quatre à six, Louis Ulbach, l’auteur de Monsieur et Madame Fernel, roman exquis, le grand succès de l’année. Louis Ulbach était un homme d’esprit, de belle humeur, menant une vie souvent difficile avec un entrain qui le faisait rechercher même par ceux auxquels il empruntait un peu trop fréquemment de l’argent. Mme  de Pierreclos, qui l’aimait beaucoup, disait de lui : « Il lui faut tous les jours trois mille francs avant trois heures ; il ne les trouve que trois ou quatre fois par an et le reste du temps… il s’en passe. »

Il fallait entendre Mme  de Pierreclos raconter le Voyage de Monsieur Perrichon, encore nouveau sur l’affiche et que peu de personnes connaissaient. Pour moi, je refusai à Mme  Fauvety d’aller le voir, certaine qu’il serait inférieur à ce qu’y avait découvert Mme  de Pierreclos.

Le jour même où Mme  de Pierreclos nous narrait avec tant de drôlerie le Voyage de Monsieur Perrichon, elle parla en termes charmants d’un premier amour de Berlioz, dont elle connaissait l’héroïne, mariée à Lyon, Mme  Estelle Fornier, amour pur, idylle d’une fraîcheur délicate, sentiment d’un idéalisme si éthéré qu’on n’aurait pu en croire capable le fougueux amoureux de miss Harriet Smithson, sa femme. Pauvre femme épousée, mais coupable de bourgeoisisme et morte de chagrin dans l’abandon. Mme  de Pierreclos possédait l’une des lettres de