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goult. J’ai connu de ces natures ; il devait, la plume à la main, éprouver les sentiments qu’il a décrits. Il n’a pu toute sa vie jouer la comédie. On ne trouve pas des accents aussi sincères par un effort soutenu de rhétorique. D’autre part, est-il possible d’admettre qu’il existe chez un homme une bonté, une générosité, une noblesse purement cérébrales ?

— Michelet a été mauvais père pendant toute sa vie, ajouta notre diplomate. Le dépouillement astucieux de ses enfants en vue d’un second mariage, comment concilier cela avec l’amour excessif du genre humain ? Cet amour-là est de la pose. La vanité, l’égoïsme, dominent en Michelet, et c’est pourquoi, moi, l’ami du fils qu’il a sacrifié et abandonné, je l’ai en horreur. »

Mme d’Agoult avait reçu un livre qu’elle me prêta : Merlin l’Enchanteur, d’Edgar Quinet, avec une dédicace datée « de Veytaux, près de l’antique château de Chillon ». Cet ouvrage, d’une audace extrême, très curieux comme mélange de légende et de réalité présente, écrit en beau style, un peu emphatique, encadrant, comme il le fallait, à travers les temps, les nations et les idées, m’enthousiasma. Merlin l’Enchanteur est l’un de ces livres tellement inspirés par leur époque qu’il doit être presque impos-