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scandaleuse, à leur seul avantage. Mon père, anti-anglais passionné comme tout bon picard, m’écrivait des lettres dans lesquelles l’excitation le faisait déraisonner.

Chez Mme d’Agoult et dans les milieux d’opposition tous étaient d’accord pour dire que les Français se sacrifiaient en Chine à une besogne anglaise. Un jour que nous parlions politique, Littré et moi, chez notre grande amie, et que je lui citais une phrase de mon père d’une extrême violence contre la guerre de Chine, il me fit cette réponse que je n’ai pas oubliée :

« La politique des hommes de 1848 ne décolérera jamais, parce que chacun d’eux est forcé de convenir avec lui-même que celle de l’Empire n’a été possible qu’en prenant pour point d’appui toutes leurs fautes, toutes leurs divisions, toutes leurs haines. »

L’entrée des Français à Pékin, avec accompagnement du pillage du Palais d’été, faisait s’indigner les uns, était acclamée par les autres. Nous n’exagérions pas, nous tous de l’opposition, quand nous déclarions que les Français faisaient dans cette guerre de Chine une besogne anglaise. J’en eus la preuve par une confidence du comte Ignatieff bien des années plus tard. Il me dit que les Anglais jouaient et supplantaient partout les Français, les traitaient vis-à-vis des Chinois comme des troupes de mercenaires à leur service, qu’ils voulaient même les empê-