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allure inquiétante, se croit poursuivi et se décide à réveiller le général.

« Garibaldi, ému, monte à la hâte sur le pont et crie avec le porte-voix : « Est-ce toi, Nino ? » Je fus incapable de répondre, foudroyé à la pensée que j’aurais pu, dans ma précipitation, par mon emportement, tout perdre, peut-être tuer Garibaldi, le faire sombrer !

« Pendant la traversée, jusqu’en Sicile, je perdis deux fois Garibaldi.

« Un jour que je mangeais de la soupe sur le pont et croyais que mes volontaires en avaient comme moi, l’un d’eux, en passant, me dit : « Tu manges de la soupe, toi, et nous, nous manquons de pain. » Emporté par une violence que je n’ai jamais su maîtriser, je lui jette mon assiette à la face et le blesse. Indignation, révolte à bord. La mer est mauvaise. Nous avons perdu Garibaldi pour la seconde fois. On se rend maître de moi, on veut me tuer.

« Permettez, dis-je. Je suis le seul marin à bord et vous avez besoin de moi. J’ai juré de vous débarquer à un point convenu. Je vous débarquerai. Je vous suis nécessaire. Une fois à terre, vous trouverez bien assez d’arbres pour me pendre, si vous en avez encore envie. »

La révolte s’apaisa. À Marsala, pour débarquer plus vite les hommes qu’il avait embarqués en chemin, il échoua le Milanais sans quoi il lui eût fallu quarante-huit heures pour les descendre en canot.