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de notre baignoire, viennent, tandis que la foule s’écoule, causer un instant avec nous. Ménard leur raconte la peur que je viens de lui faire.

Berlioz me serre la main et la garde dans la sienne.

« Oui, me dit-il, c’est assez beau, c’est assez vrai, le tourment du malheur est assez vécu, Orphée est assez Orphée pour que l’expression rendue comme elle vient de l’être foudroie les sens. »

Et il nous quitte en répétant :

« Je vais le dire à Orphée. »

Je demande à mes amis de me ramener à pied rue de Rivoli.

Saint-Victor nous raconte en chemin que Berlioz conseille Mme Viardot, qui étudie Alceste avec l’espoir de le chanter un jour à l’Opéra, comme il l’a conseillée pour Orphée. « Le pauvre Berlioz, ajoute-t-il, songe à elle pour ses Troyens, ses pauvres Troyens ! »

Nous causons de cent choses. Une œuvre nous était venue du Midi que M. de Lamartine trouvait très belle et dont Ménard était enthousiaste. Il nous parle de Mistral, de l’auteur de cette Mireille dont il savait beaucoup de choses par un sien ami, ami lui-même d’Aubanel.

Aubanel ! J’entendais le nom de ce poète pour la première fois. Ménard me dit que ses vers sont pénétrés par la Grèce et ajouta qu’il suit le réveil de la langue provençale avec un intérêt passionné. On imagine si ma curiosité