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« Quand on a assez de talent pour écrire les deux premières parties d’un livre comme le vôtre, monsieur, comment peut-on déshonorer sa plume par ce que vous y avez déposé dans la troisième ? Quelle aberration vous fait commettre ainsi l’acte malpropre d’un malfaiteur des lettres ?

— Monsieur, répondit le jeune auteur, les deux premières parties sont pour séduire les lettrés qui font les réputations, et la troisième pour les lecteurs qui achètent le livre.

— Comment ! vous osez avouer cela, mais c’est du cynisme !

— J’apprendrai au lecteur français à avoir du goût pour la peinture des vices qui l’entourent. La vérité flagelle les hypocrites et déniaise les soi-disant vertueux.

— Ce sera de belle besogne ! Fasse le ciel que vous n’ayez pas la puissance de corrompre nos lecteurs et de détruire tout le bien que nous et ceux qui nous ont précédés avons essayé de faire. Mais vous êtes jeune, monsieur, vous avez beaucoup de talent, j’espère que vous ne tiendrez pas votre vilaine gageure. Croyez-moi, les œuvres saines sont les seules dont la vente soit durable et que la postérité accepte. Vous portez un nom étranger ; puissiez-vous, en vous francisant davantage, vous amender. »

Le jeune auteur était M. Emile Zola. Hélas ! son œuvre a réalisé ses premiers vœux. Elle a déniaisé ses lecteurs jusqu’à les démoraliser.