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et la vie de l’esprit qui parle et non de l’esprit qui compose. L’ornementation vient quand on se relit et elle n’est pas à dédaigner, mais il la faut simple, avec des mots élégants, qui ont de la grâce et conservent un caractère bon enfant.

« Tu nous la bailles belle, répondit Sarcey, toi qui as la faculté unique d’écrire clairement sur les choses les plus compliquées : moi, je ne me tire des emberlificotages que par la familiarité, voire la vulgarité. Et enfin, quand je ne trouve rien moi-même, je cite les autres. »

Tous, nous citions à cette époque. Une citation habilement placée prouvait que l’esprit était ou savamment ou joliment meublé, et cela donnait tour à tour de l’agrément ou du poids à ce qu’on écrivait ou disait. Certes, les médiocres ou les bêtas se jugeaient vite aux citations, qu’ils choisissaient et plaçaient sans à propos. Les gens d’esprit lisaient alors, non seulement pour lire, mais pour orner leurs écrits ou leurs causeries.

Sarcey me dit qu’il m’approuvait fort de m’être attaquée à Proudhon, d’avoir démontré que le redouté polémiste, auquel nul n’osait toucher, n’était pas si invulnérable que cela.

« Oui, il a des craquelures, dans lesquelles on peut enfoncer un coin, répliquait About, mais quelle forme, quelle langue, mon cher, comme c’est martelé et repoussé.

— Ces gens sont des fléaux avec leur forme : c’est comme Veuillot, n’est-ce pas Jourdan ?