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— Vous devez boire du lait, petite Juliette, me dit Mme  d’Agoult.

— Je préférerais boire l’eau Delphique de la fontaine Castalie et n’avoir pas vu l’horrible Orphée aux Enfers.

— Ne soyez pas méchante !

— Oh ! ma grande amie, si vous saviez ce que je souffre de porter en ma pensée l’image de mes dieux grimaçants. Ils étaient si marmoréens, si immobiles en moi, si purs…

— Vous avez vu l’enfer d’Orphée, je vous plains, dit Ménard. On ne me le fera pas voir, à moi ! Les ennemis du Beau sont habiles et préparent leurs pièges avec une rouerie infernale. J’ai, entre autres remarques typiques, fait celle-ci, ces derniers jours, qu’au moment où l’on essayait de nier à Athènes l’antériorité des poèmes orphiques, où l’on voulait à tout prix moderniser Orphée, on introduisait la bruyante trompette juive dans l’harmonieuse musique d’Hellénie. Il nous faut, depuis, voir se continuer la lutte de la lyre qui éleva les murs d’Amphion et de la trompette d’Israël qui fit crouler les murs de Jéricho. Les poèmes orphiques sont antérieurs à Homère et à Hésiode, j’en suis certain, reprit Ménard. Il y en a qui se sont perdus, d’autres ont été remaniés, mais l’esprit orphique est né en même temps que l’Hellénie.

— Prouvez cela, monsieur Ménard, et je deviens orphique, m’écriai-je. Si je suis homé-