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On revenait du Bois. Les cocodès et les cocodettes de l’Empire, comme nous les appelions, avaient fait ce jour-là, aussi indifférents aux affaires du pays que les autres jours, leur « persil » autour du lac. Beaucoup d’étrangers et d’étrangères, mêlés à la société qui aimait la « grande fête », venaient d’on ne sait où : de Londres, de New-York, des Républiques américaines, et ils étaient reçus, à la condition qu’ils eussent de l’argent, avec plus de faveurs que des Français connus, de fortune médiocre.

Nous ne cessions, nous les austères, de répéter nos critiques, et je dois convenir que nous nous abritions souvent pour l’attaque derrière de vulgaires potins. Mabille, Bullier, le Café Anglais, nous fournissaient des indignations parfois ressassées.

Nous contournons le rond-point, l’Arc de l’Étoile, et nous voyons passer les grands mondains, les grands fêtards.

« La guerre est proche, me dit Mme  d’Agoult. Elle sera déclarée demain, peut-être. Dieu veuille que nous voyions la France victorieuse et l’Italie délivrée !

— Regardez, madame, l’Arc de l’Etoile est illuminé magnifiquement, comme enveloppé par les rayons du soleil couchant. N’est-ce pas un bon signe que cette apothéose ?

— Superstitieuse, me dit-elle en riant.

— Non, augure, répliquai-je.

— Je veux bien, ma chère enfant. »