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Je connus chez mes amis Adam-Salomon l’une des nièces de M. de Lamartine, la comtesse de Pierreclos, que je retrouvai souvent chez Mme  d’Agoult et qui était bien la personne la plus extraordinaire de notre monde.

Dame très grande et très grande dame, l’aspect masculin, elle habitait la province une partie de l’année. Je voyais en Mme  de Pierreclos un modèle survivant des beaux esprits du xviiie siècle.

Lorsqu’elle quittait Paris, nous nous arrachions ses lettres, les plus spirituelles et souvent les plus osées qu’on pût lire ; elle ne redoutait aucun mot, mais ce mot dit ou écrit par la comtesse de Pierreclos prenait un certain air d’expression lue dans les vieux auteurs et ne scandalisait pas.

Causeuse exquise, ne monologuant jamais, elle contait une histoire de façon à ce que les auditeurs y participent au point qu’ils croyaient eux-mêmes l’avoir contée.

Voici un exemple de sa façon de dire :

« Croiriez-vous que moi j’ai inspiré de l’amour à M. de Rambuteau ?

— À M. de Rambuteau ? Mais il est très vieux.

— Eh bien, il n’y a pas longtemps qu’il ressentit pour moi une passion désordonnée.

— Contez-nous cela.

— Oh ! sa déclaration ! Comment fait-on d’ordinaire une déclaration ?