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J’hésite fort à accepter, malgré l’immédiate sympathie que j’éprouve pour Arlès-Dufour. Je n’ai encore rencontré personne qui m’ait inspiré ce sentiment de filialité immédiate. La première fois qu’il m’appelle : « Mon enfant, » j’ai envie de lui répondre : « Père. » La noble et belle figure qu’il a ! Très simple de ton et d’allures, il allie, à beaucoup de bonhomie, beaucoup de dignité.

Cela vient peut-être de ce qu’il a toujours pensé et agi librement, sa passion dominante, dit-il, étant la liberté sous toutes ses formes, même excentriques.

Arlès-Dufour était l’un des rares saint-simoniens restés convaincus de la vérité intégrale des principes de l’École. Il eut toute sa vie le désir de relever la femme de l’état d’infériorité où il la trouvait en France. C’est lui qui, à Lyon, fit recevoir la première bachelière ; il s’occupa des institutrices, des femmes médecins. Arlès-Dufour donnait beaucoup. Il consacrait une part déterminée de ses gains à des dons sous forme de prêts. C’était la caisse qui prêtait, non pas lui. Lorsque le débiteur remboursait, la caisse des prêts encaissait. Quand il y avait de bonnes rentrées, on prêtait beaucoup ; quand la caisse était épuisée, on ne donnait rien.

Arlès-Dufour insista pour que j’accepte le banquet de ses frères et amis. Lambert-bey m’invitait surtout au nom du Père Enfantin,