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· LE snnrsnrr nom 73 seau Fantôme. Bien qu’elle grandit progressivement ai mes yeux, la longue silhouette de Belle-Ile demeurait trouble dans ses vapeurs blanches et rousses tout illu- minées de soleil, comme les écumes de l‘eau, comme la voile brune gonflée à l’avant d’une lourde barque noire que cahotait la houle. A mesure que nous appre- chions, d’autres canots apparurent. La mer charriait une flottille d`épais bateaux nu- mérotés en blanc, et que poussaient mal les souf- fles enflant les misaines tannées, semblables à du cuir. Parmi les brumes _diaphanes il s’en profilait d’autres et d’autres, qui chevauchaient les flots suc- cessifs, qui grimpaient sur leurs cimes mousseuses, qui descendaient avec eux, repoussaient, du poitrail, la résistance des eaux creuses. Rien n’avait pu modi- fier les formes de ces nefs depuis les temps reculés du moyen-âge. Je m’imagine que les Northmans l durent, sur de petits bâtiments identiques, explorer les anses et les criques de l’Occident, afin de pénétrer les estuaires des fleuves, et de remonter jusqu`aux villes riches. Notre steamer côtoya l’une de cos em- barcations. Je pus, à loisir, examiner les faces rasees ` des pêcheurs, leurs mines rudes et saures, leurs gri- maces invetérées sous les assauts du grand soleil, du vent, de la pluie. Avec le béret, deux portaient encore de longs cheveux blancs. Plus sombres que le ‘ reste de l’étoffe décolorée par les lessives, des mor- ceaux neufs étaient cousus dans leurs courts surcots · de toile marron. Dix maniaient d’enormes rames aussi longues que leurs mats et·qui frappaient lentement les ondes. A la barre, le patron se tenait taciturnc, emprunté vraiment au tableau de tel vieux peintre qui · Hxa les traits des peuples chrétiens. _ ‘ D