Page:Adam - Le Serpent noir (1905).djvu/69

Cette page n’a pas encore été corrigée

64 LE SERPENT NOIR plongea, complètement oublieux de nous. Malgré les résistances brutales de la foule, il s'obstina pour se maintenir en vue de sa femme qui lui souriait, pas a pas. Il subit les horions, il écarta brusquement un pâtissier et sa corbeille de brioches, deux garçons a roux obstinés a s’approcher de la relique, maintes filles empotées dans leurs gros jupons de drap. Nous eûmes toutes les peines à le suivre sur la place et dans la prairie, a contourner, derrière lui, les deux escaliers adverses de la Scala Sanctorum, et la tribune du reposoir tendue de pourpre; Nous pûmes enün le , . joindre quand la multitude se fut soudain ruée à genoux. _ Alors le geste presque impérieux de sa main nous 'contraignit à garder le silence. Debout au milieu _de mille fanatiques écroulés là, il se demandaitappa- remment-pourquoi l’influence mystique de sa race le ressaisissait plus fort. Ainsi 'que tous, il semblait attendre, à cette minute, un miracle promis.` M Hommes, femmes, enfants ouvraient largement leurs ^ . yeux, en répondant aux litanies des chautres. Et tous regardaient la chasse, comme si la statuette de la sainte devait tout à l’heure s’animer, étendre les bras, dire les paroles de pardon pour tous les péchés f connus et inconnus dont le remords avait torturé ces âmes timides et souffrantes, assommé ces corps lourds, raviné ces visages peureux, dégarni ces fronts de vieillards rachitiques, abruti ces faces rondes d’écoliers tondus. Et les lèvres se hâtaient `davantage pour multiplier les oraisons. Et les doigts égrenaient plus vite les chapelets d’os, les chapelets de buis, les chapelets de cuivre. Et, sous les milliers de coiffes éblouissantes, les paupières blêmes ou`