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du large, s’abaissaient somnolentes sur les gerçures des joues. Celle au nez de sparadrap vaguait. Elle guettait de l'œil, avec son amie, une place libre qu'on ne leur offrait pas. Le col ouvert, les mains pendantes, des vieilles ronflaient en tas, sur les bases des piliers. Aux âmes purifiées par ses absolutions le Christ envoyait la bienfaisance d’un sommeil réparateur. Quelques-uns, courageux, se remuaient. D'autel en autel, ils épuisaient toute leur mémoire des vêpres, des litanies et des psaumes. De nouveaux pèlerins faisaient irruption, par tous les tambours des portes latérales. Du coude, ils se frayaient passage dans la masse noire des pénitents. Les paroisses se ralliaient autour de chefs qui levaient leurs mains calleuses, leurs ongles difformes, et puis, de l’épaule, fendaient la foule. Ils se dirigeaient vers les édifices des châsses d'or, et vers les bouquets de cierges épanouis. Les yeux s’écarquillaient à l'espoir d’un dieu visible.

Et les cantiques montaient dans le vacarme mal contraint. Trois mille voix virginales chantaient leur espérance sous la nappe des coiffes candides qui s’étalait depuis le chœur jusqu'au portail béant vers la nuit pluvieuse. Dans son hallier de cierges flamboyants, le Crucifié d'or, au faîte de l’autel, éblouissait la foi de son peuple en extase.

Nous traversâmes difficilement ce peuple dont l’odeur champêtre emplissait la profondeur entière du vaisseau. Goulven nous démontra qu’il était impossible de percevoir, sur les cinq ou six mille figures glabres, d’autres signes que ceux d’une résignation confiante dans la miséricorde céleste. Hommes, femmes, enfants, ils allaient avec la même stupeur de se croire élus par le Supplicié divin pour