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flûte. Après entente par signes, un chœur à trois parties se forma.

Les âmes se marièrent pour s’exprimer selon la cantilène monotone, presque funèbre, bien que les ivrognes de l'assistance hurlessent pafois, de toutes leurs forces, le refrain :

Luron, luron, lurette !
Luron, luron, luré !…

Mais les jeunes filles s`appliquèrent à moduler le son très lentement, très tristement, tandis que les eaux divisées par l’éperon s’écoulaient en gazouillant aux deux côtés de l’étrave.

La gaieté ne s’éteignit pas toute; pourtant chacune et chacun sefnblèrent psalmodier une mélopée de deuil et de résignation. Le biniou se lamentu. Prestes de leurs doigts, les lileuses maniaîent la quenouille. Actifs de leurs bras, les moissonneurs fourbissaient la faucille. De temps en temps, les ivrognes buvaient à la régalade le cidre du pot qu’ils se transmettaient. Sur les fagots, les couples ne dénouèrent pas leurs timides enlacements.

L’gas, dans la mer a plongé !…
Luron, luron, lurette…
Luron, luron, luré !…

Ce fut même sur un ton goguenard que les trois parties du chœur saluèrent la chute du matelot dans l’abime, sur le ton qu’eût adopté l’artiste des danses macabres, lorsqu’il s’amusait à peindre papes, seigneurs, courtisanes, mariées, poètes et loqueteux