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LE SERPENT NOIR

sincérité des fermières qui, sous les parapluies, attendaient, les jupes retenues par les coudes, leur tour de grimper, marche à marche, l’un des deux escaliers menant au tabernacle de la sainte. Au-dessus de la foule priante et pataugeante, une petite fille, en jupon court et en chaussettes, restait immobile, les rotules nues contre la pierre d’un degré, jusqu’à ce que ses lèvres d’écolière eussent achevé les dix oraisons du chapelet ; puis, debout, elle récitait une autre dizaine, et s’agenouillait sur le degré suivant, entre les mères qu’édifiait sa ferveur. Beaucoup de laboureurs, aux petites blouses dures, balbutiaient aussi leurs patenôtres. Baisant la croix du rosaire, ils penchaient leurs fronts chauves. Ils s’élevaient ensemble le long de l’escalier par une sorte de mouvement général et vermiculaire. De toute cette masse prosternée les yeux demeuraient fixes vers l’image enclse derrière les grilles du tabernacle.

À voix basse, j’entretins Mme Goulven de ma jeunesse au quartier latin. Verlaine alors y était illustre. Étudiants, nous buvions de la bière avec les poètes smbolistes et néochrétiens. Je me rappelai, par hasard, quelques sonnets mystiques de cette pléiade. Je murmurai des vers. Ma compagne en fut charmée. Elle goûta les expressions rares. Elle apprécia les gloses que j’y sus joindre pour éclaircir les passages obscurs. Nous fûmes des amis. Avec discrétin je lui signifiai que j’aurais plaisir à nous lier mieux : cette province du moyen âge ; et je devinai que la femme de mon vieil ami Goulven me renseignerait merveilleusement sur les mœurs de la population singulière. Aussitôt elle me prodigua ses remarques. J’avisai un joint