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LE SERPENT NOIR

qu’elle me serait protectrice, entre son mari vraiment hostile, madame Hélène narquoise, Mme La Revellière trop froide, et la petite Gilberte maussade. Preste, je me saisis du parapluie que la femme du docteur avait peine à déployer contre la bise, en relevant sa robe plate et en veillant sur une aumônière de velours taché. Je parvins à la protéger. Madame Hé lène engaina ses longues mains dans les fentes laté rales de son paletot, et fit face à la pluie cinglante. Gilberte sauta les flaques, soigneuse de ne pas tremper ses bottines. Mme La Revellière évita le contact de paysans qui flânaient au hasard, la tête en arrière. Et nous nous engageâmes au fort de la multitude dont les riflards dégouttaient, s’accrochaient, se chavi raient dans la rue, suite de la route, avant de remplir, sur la droite, la grande place encadrée par les boutiques de scapulaires, de chapelets, par le porche énorme de l’église, et, sur la gauche, la prairie spongieuse où s’érigent les deux escaliers de la Scala Sanctorum, ceux que l’on gravit à genoux, jusqu’au tabernacle de la Patronne.

Avec une érudition active, Mme Goulven, d’après les costumes, me nommait les pays d’où venaient les diverses familles de paysans. Ce grand chim panzé, montrant des yeux d’azur naïfs sous les brous sailles grises des sourcils, avait revêtu le matin, près de Pontivy, la courte veste de drap blanc aux poches de veloiurs noir tailladées en pointes, et placées sous les aisselles. Près des mêmes lieux, trois fermières s’étaient parées de tiares noires, qu’on eût dites chal déennes et que prolongeaient, sur le dos, les lourds voiles de drap angulaires. À Locronan, des laboureurs s’étaient enjolivés d’une veste bleu de roi, à