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LE SERPENT Nom 333 lèvres tremblantes de colère, aux yeux tout a coup pointus, m’exaspérait. ' ——·- Anne—Marie s’est plu. tout autant que moi, à notre espièglerie. Je ne lui dois rien qu’un souvenir de gratitude. _ — L’enjeu n’était pas le même... Son fiancé la repoussera... C’est une vie perdue... Et moi, j’avais charge d’àme. .le_suis responsable de ce qui arrive dans ma maison... C’est moi que vous desobligez, en n’y prenant pas garde. ‘ La maigre personne se dressait sur ses ergots. Elle tendait dans un élan bizarre son corps etique, habillé de toile brune. Je la calmai : -— Quel rigorisme, chère madame!... Ne savez- vous pas que tout est permis en amour? . —— Est—ce l’amour, ce qui prend tout, et ne donne rien?... — Pardon : j’offre cinq cents francs... La-dessus, M"‘° G-oulven se détourna. Nous mon tàmes la pente en silence, quelques minutes, et ' rattrapàmes Gilberte, Elle Iixait sur la plaque son- sible une famille accroupie devant les paniers ou- É verts, et qui taillait les miches, debouchait les litres, tranchait le morceau de lard froid, etalait le beurre sur les tartines. Meurtries par la longue route, les paysannes`avaient ôté leurs chaussures. Leurs gros pieds en bas de tricot noir se délassaient. Sous la blancheur des coiffes au soleil, leurs visages tannés, ridés, déformés, se déûèrent dc cette petite ülle en pagne rouge qui violait l’i'ncognito de leurs personnes. Nous apercevions tout le creux du pays fertile;` carrelé de champs murs, de gras pâturages, de bosquets et de fermes, ou fourmillait un peuple 19.