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LE SERPENT NOIR

neurs de la lecture… Eh bien, mon vieux, qui aurait imaginé cela, tout de même, quand tu n’étais pas fichu de comprendre, à toi seul, les textes grecs sur la peste !… Tu te souviens ?… Tu venais me quérir dans mon cinquième… Tu me disais : « Mon petit Guichardot, fais-moi le plaisir de dîner avec moi au Boulant… » Moi, je m’attendais à une fête un peu corsée, avec des filles plaisantes, et un tour à Bullier pour finir !… Bonsoir ! Au dessert, tu tirais négligemment de ta poche une page arrachée au cœur de Thucydide ; et tu m’obligeais à te construire le mot à mot ! Grand sournois, va !… Ça durait jusqu’à neuf heures du soir. Puis au café, Galien et Stratonicos sortaient de ta poche ! Hippocrate de Cos entrait en jeu dès la première goutte de fine champagne. Je parlais, ton crayon marchait… Eh bien, non ! de ce temps-là, tu n’étais pas calé en grec !

Sur ces mots, je lui bourrai très amicalement la clavicule gauche…

— Eh bien, docteur ! – appela du vestibule la voix mélodieuse de la dame en demi-deuil.

— Je vous demande pardon, – dit-il, esquissant une dérobade.

Je ne me laissai point faire. D’un grand coup de casquette, je saluai la charmante créature, et questionnai tout haut :

— Madame Goulven, sans doute ?…

— Non pas… Madame est une parente de ma femme… Oui, ma cousine, les places sont marquées au bout de la table… J’ai commandé l’eau minérale… On sert à sept heures…

Il essaya de m’abandonner, en simulant des galanteries. Je ne le permis point :