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306 LE SERPENT Nom » De même, pour échapper à la frayeur de ses cha- grins, `Yvonne Goulven cherchait un abri dans la · conception traditionnelle d’un dieu magnifique en ses miséricordes qui promettent les trones du ciel aux patientes, aux résignées. Dès qu’elle foulait la terre d’une paroisse, elle entendait rendre hommage au Christ dans la demeure embaumée d’encens, pleine d’un silence délicieux pour les âmes qu’out1·age le grossier tumulte des passions voisines. Peut—ètre espérait-elle rappeler au devoir madame Hélène par son exemple. Nous la suivimes. L’église n’était plus ouverte à cette heure, ce qui la déçut beaucoup. Une bonne femme lui dit que le prêtre (lânait dans la ville neuve, et que le sacristain pechait la crevette. Si on ne fermait pas le sanctuaire, les polissons jouaient à la marelle sur les dalles, et barbouillaient les murs d’inscriptions malhonnêtes. l\I“‘° Goulven hocha la tète. Les mécréants gàtaient sa vieille Bre- tagne. Nous montàmes sur un tertre qui domine les che- minées fumantes, les toitures de tuiles, le port et ses bateaux remplis, les pêcheurs qui, se plaisantant, épluchent leurs légumes, grattent leurs soles et leurs merlans, allument leurs pipes, vident le litre a la régalade, dépouillent leurs sarraus, brossent leurs herets, querellent les débardeurs du quai et les com- mis des mareyeurs, excitent à la lutte les gamins loqueteux, puis sautent dans le bachot qu’ils mènent vigoureusement à la godille sur la surface des eaux calmes, protégées par le rempart du mole contre la charge des lames écumeuses et mugissantes. Le tramway vint ·prendre au débarcadère les paniers humides remplis de poissons. ll les emporta vers la