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Seul, je dînai de bon appétit ce soir-là, bien que ni madame Hélène, ni le docteur ne se permissent l’absurde comédie de laisser la nouriture, pour s’avertir ainsi de leur. détresse. Cependant ils affectèrent de causer sans joie. Ils évitèrent aussi de s’adresser l’un a l’autre. Quand la lune se fut levée, nous nous rendîmes aux « Alignements » éclairés de cette manière fantastique. Il nous plut de goûter le silence de la solitude a travers ces champs immenses, parmi les menhirs eblouissants et rangés comme les maisons d’une ville déserte. Les étoiles scintillantes et le- disque nacré du satellite, par—dessus la haie des bois sombres, guettaient nos pas. Où, donc se cachait la ’ troupe des Korrigans que cherchait Gilberte? Parents des Kobolds, ne sont-ils pas des nains épais munis de grosses têtes hirsutes. et qui se creusent des souterrains dont l’ouverture se dissimule au pied des monolithes ?… L’enfant pensait apercevoir l’ombre de leur fuite autour des hautes pierres brutes; et elle se serrait contre sa grand’mère. Au loin, Domino donnait de la voix, derrière un lapin débusqué des touffes. Quand on parvenait sur une éminence, tout le peuple de fantômes rocheux, debout et en ordre, semblait attentif a notre marche. La Bretonne qui nous guidait dit que, la nuit, en ce lieu, elle était sûre de paraître, elle-même, aux pierres, un revenant bizarre dont elles avaient peur.

Respectueuses de sa présence et de la notre, assura—t-elle, un peu terrifiées, elle nous les montra. Son bras maigre sortit d’une large et courte manche noire. Hors de la coiffe elle fit saillir sa figure ronde. Ses sabots claquaient. Sa tournure était lourde, et sa voix dévote. Elle se baissait parfois,