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ta vie... Tu me prêtes tes instants de loisir, comme tu les prêtes à Gilberte, et même, tu m’en prodîgues moins qu’a ces dames...

— Hé ! hé ! — risquai-je. — Voilà donc un reproche. Et direct, mon cher !

Je crus que nous touchions au point capital.

— Ce n’est pas un reproche, — interrompit Mme Goulven, dont les joues se colorerent un peu. —— J’ai voulu moi-même attirer Hélène et son enfant... Je pensais que tout ce monde heureux l’arracherait a ses peines. Ma cousine sait tant d’histoires divertissantes ! Elle nous raconte toutes les comédies et tous les romans; elle nous décrit tous les tableaux ; elle joue au piano toutes les musiques récentes et anciennes… Elle nous amuse autant que je l’espérais… Et, quand je les vois gais, elle et lui, le long de la grève, je suis contente qu’il se délasse de ses études, de nos tracas.

— C’est une aubaine, certainement, pour notre solitude un peu morne, — avoua prudemment Goulven.

— Elle ne me semble jamais triste, à moi, notre solitude… Tu l’animes…

— Flatteuse ! — dit-il.

Leur marivaudage me fatiguait un peu. Que ne venaient-ils au fait ? L’un et l’autre brùlaient, qui d’accuser, qui de se défendre. C’est étrange comme les personnes inaccoutumées à la pratique des affaires aiment tourner autour du pot. Ils prenaient indéfiniment des précautions oratoires. Ils redoutaient de se vexer ; et, pour se garantir contre les excès possibles de leurs paroles, ils préféraient s’entretenir devant moi, sur leurs pliants, pendant que le soleil étamait à neuf, si l’on peut dire, les cimes et les vallons