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— Vous dirai—je que mon véritable bonheur consiste a nfimaginer les délices du paradis, si mala- droite que je sache cette méditation?". Je cultive mes _ petites qualités musicales parce que, d’apres tous les théologiens, l’extase procurée par la mélodie est ce qui s’éloigne le moins des félicités angéliquesa. La-dessus elle essaya toute une évocation des béatitudes célestes qui ne manquait pas de réminiscences. Elle avait lu les mystiques avec précaution. Les principaux passages des œuvres visionnaires me furent parfaitement récités. Plusieurs miracles me furent ensuite contés avec une verve de Bretonne que le merveilleux sollicite perpétuellement devant les mystères de l‘étei1due océanique, dans les plaintes bizarres des vents, et parmi lestradrtions fantastiques de la veillée. A sa race religieuse, songeuse et dolente, Mme Yvonne Goulven appartenait tout entière.

Je ramenai la conversation sur les mérites du docteur. Loin de les amoindrir, elle les exalta. Néanmoins, la foi lui semblant indispensable à la félicité, elle souhaitait, par amour de son mari, qu’il récupérât surtout les croyances du catéchisme.

Le dimanche, après déjeuner, nous passàmes les heures dans le calme. Chacun de nous avait choisi un livre. Tout en contemplant la variation de la mer déserte, le vol des mouettes, nous feuilletions nos chapitres. Sous le mur de la terrasse, en haut de la falaise, serpente un étroit chemin. Deux à deux, les filles du pays s’y promenaient, saintes et paisibles, parées de leurs fichus amarante ou zinzolin, de leurs tabliers en moire, de leurs bonnets en linon ajouré,