Page:Adam - Le Serpent noir (1905).djvu/12

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
7
LE SERPENT NOIR

se procurait-il l’argent ? Sans doute exigeait-il quelques pots-de-vin des gens qu’il mettait en relations avec la Compagnie, acheteuse de matières premières, ou dispensatrice des sommes nécessaires aux expériences de leurs inventions. Évidemment, le docteur Goulven, un marin tout rude, n’avait pas voulu payer les épingles du négociateur, ni participer à ces tripotages. L’occasion était bonne pour démasquer la filouterie de M. l’agent général.

Durant ces confidences, je vis l’œil minuscule et malin de Guichardot nous épier à plusieurs reprises. Certes il n’ignorait guère les sentiments de mon vieillard. Il devinait les insinuations échangées par-dessus le monsieur prudent et taciturne qui se contentait, lui, de balancer, signe de sagesse, une tête blême et mafflue. Comme je demandais pourquoi le Président n’avait pas mieux accusé l’intermédiaire en faute, mon vieillard ricana. Selon lui, c’étaient là deux compères. Guichardot avait corrompu le joli petit homme dont les mains se caressaient indéfiniment. Aigre et téméraire, mon voisin dit cela presque tout haut. Le Président fit le sourd. Mais les plus proches de nous chuchotèrent entre eux ; et la majeure partie des accusations que je venais d’ouïr furent transmises, de bouche en oreille, autour de la noble table solennellement vêtue de son drap vert immaculé.

Quoique Guichardot continuât de s’expliquer à l’aise, et sans hésiter devant les termes de la conversation la plus familière, en homme qui vous tient pour des camarades incapables dans l’assistance. Je vis de sarcastiques grimaces l’adopter. Je vis les yeux pétiller au feu de petites joies, indulgentes en apparence, mais