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106 LE sEm>EN·r Noni Cent corps fredonnaient, allaient, venaient. De droite at gauche, la ronde oscillait comme, du large à la côte, oscille la masse de la mer. Pareilles aux fracas sourds du flot, les voix mâles et graves se lamentaient véritablement. Pareilles aux rumeurs lointaines des ondes, les voix féminines_et jeunes berçaient doucement le sort de l’héroïne. On eut dit que leurs accents ironiques acclamaient la malice des forces qui se jouent de leurs rêves, de leurs vies. Cependant le refrain plaignait des espoirs fragiles ct rompus, sur un 1node langoureux que scandaient la cadence funèbre des sabots, le balancement des bras mariés, le roulis de la danse, ai la lueur de la lune impassible reflétée dans le frisson de la petite rade. s En tournant, les sardinières ne quittaient pas du ` regard madame Hélène moulée parla brise dans un manteau noir. Elles murmuraient aussi : « Ahés, Dahut », lesnoms de la fille qui régna sur Ys avec le roi Gralon, et qui, sur la cité des vices, attira le courroux de Dieu, la vengeance de l’0céan déchaîné, ou tout fut englouti de la ville opulente, de ses cent églises, de ses rues aux boutiques pleines de trésors. Par sa beauté sévère et haute, drapée de deuil, notre a1nie leur paraissait un être légendaire, que leur envie de pauvres créatures accusait déja. M'" Goulven me montra que sa cousine s’était placée, le dos a la mer, sur un gros caillou, comme si elle venait d’en surgir. Celasufiisait pour que l’imagination bretonne, aussitot, créât. — En chacun de ces humbles cerveaux présente- ment, 1- me dit le docteur, -— toute l’histoire d’Ys se · retrace, miraculeuse et indubitable. Les plus naïves de ces ülles croiront, demain, avoir vu la superbe