présidé par feu M. La Revellière. Il venait d’obtenir alors que la Chambre prodiguât les primes au sucre exporté. Mme La Revellière se rengorgea, fière de son fils. Je m’évertuai dans mes louanges. Je démontrai comment, grâce à cette initiative, quelques-uns de nos raffineurs avaient empoché trois cent mille francs de bénéfice net, par année, en vendant leurs produits très cher ici, et à moitié prix sur les marchés des Iles-Britanniques. Aussi les Anglais avaient-ils, avec nos sucres picards et nos fruits normands, fabriqué des confitures et des compotes à bas prix. Importées en France, ces marchandises supplantaient naturellement celles de nos épiciers nationaux qui, preneurs de sucre cher, acquittaient, par cet achat, l’impôt indirect destiné au paiement des primes. Je m’étendis sur les procédés ingénieux de cette combinaison, où personne n’avait perdu que le populaire en sucrant son café et en mangeant sa gelée de groseille. Le docteur ne put s’abstenir de remarquer qu’en cette affaire la patrie avait moins gagné que les gros raffineurs du Nord.
— Et que leurs députés ! – ajoutai-je. – Nos braves industriels les firent constamment réélire par leurs ouvriers, par les cultivateurs, car les usines acceptaient ou refusaient les betteraves selon les votes soupçonnés. Aussi parlementaires et raffineurs avaient-ils organisé le banquet La Revellière, afin d’offrir au fils de Madame une médaille d’or… En ma qualité de chimiste expert, préposé à l’analyse des pulpes et des jus de betteraves, je faisais partie du comité. La médaille nous coûta trois cents francs au total. Je me souviens d’avoir versé vingt francs.
— Oh ! je puis vous les rendre ! – s’écria Mme La