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PRÉFACE 7

aussi et en 1830, à deux reprises, Auguste Comte fait une exposition orale de tout le positivisme, et compte alors dans son auditoire plus d’un homme que le brillant professeur de la Sorbonne aurait pu lui envier. D’ailleurs le triomphe de ce dernier n’empêchait pas un témoin sagace, A. de Vigny, de noter sur son journal intime, en 1829 : « L’éclectisme est une lumière sans doute, mais une lumière comme celle de la lune, qui éclaire sans échauffer. On peut distinguer les objets à sa clarté, mais toute sa force ne produirait pas la plus légère étincelle. » La prédication saint-simonienne échauffait davantage les âmes : déjà bien organisée en 1829, elle devient plus active après la révolution de 1830, et dure avec un redoublement d’ardeur jusqu’en mars et avril 1832, et même encore après. La doctrine de Fourier était prêchée vers le même temps à Paris par d’autres enthousiastes. Enfin, pendant plus d’une année, du mois d’août 1830 jusqu’en novembre 1831, Lamennais, secondé surtout par Lacordaire et Montalembert, donne, dans le journal l’Avenir, une direction toute nouvelle et libérale au catholicisme, en attendant que bientôt, en 1833-34, dans ses Paroles d’un croyant, lui-même aille presque déjà jusqu’au socialisme chrétien. Les cinq à six années qui s’étendent de 1828 à 1834 ont donc vu la fermentation et l’éclosion de la plupart des grandes idées du siècle.

Celles de solidarité et d’association dominent déjà. D’une part, Bonald, Maistre et Lamennais font d’abord appel à l’autorité, qu’ils prétendent restaurer au spirituel et au temporel ; leur but est d’assurer par là le plus grand bien des sociétés humaines. Ils n’ont que de la défiance et du mépris pour l’individu, et leurs préoccupations sont surtout sociales. C’est l’humanité tout entière qui les intéresse, et non pas l’homme seulement. Toutefois ils restent soumis à une autorité, qu’ils croient infaillible et surnaturelle ; ils n’attendent que de là un remède à des maux qu’ils ont au moins eu le