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LE PAYS MATERNEL

imparfaits enchante le voyageur, celle aussi de leurs corps grêles, des genoux cagneux visibles sous le collant de la fillette, celle du costume ridicule dont elle est affublée devant un paysage infini, précis, que divise une sinueuse rivière entre des arbres isolés. C’est là sans doute une des plus naïves et savantes œuvres que le génie plastique des hommes a conçues. Et Turin, pour cette image, paraît un suffisant écrin avec ses quais au soleil, sa place en arcades rosées, ses pauvresses qui lancent vers le ciel des essors de pigeons teints, ses officiers en cape d’azur.

À Milan la vie somptueuse et active gronde, babille, s’évertue, autour du dôme, hérissé de pinacles. Elle se prélasse dans les cafés, y déguste des sorbets savoureux. Les Allemands rient lourdement dans les halls des hôtels, et ils se portent des santés à table d’hôte. Dans Santa-Maria delle Grazie il y a la Cène du Vinci, ses inoubliables fenêtres ouvertes sur le rêve divin de la création, derrière les apôtres rustiques, la mollesse de saint Jean, la barbe de Judas, la lumière du Sauveur. Partout retentit l’entrain du commerce. Les camions colportent les trésors inventés dans les usines de briques, de fer et de verre, où la foudre captive sert les noirs mécaniciens, en silence. Des foules ternes se hâtent hors des fabriques, dès le beuglement de la sirène ; dès le coup de cloche qui libèrent. Le vent chasse la suie sur les sculptures des églises ; et l’or luit dans les caves des banques. Dans les immeubles à cinq étages, les familles oublient les passions de Sforza pour discuter les mérites des sports, lire les romans de Gabriel d’Annunzio.