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On voulut vaincre l’espace et le temps. Et, comme le prix des machines écartait la foule, elles furent aussitôt un objet de luxe, la marque spéciale de la richesse élégante et sportive. Ainsi la bourgeoisie du second empire affecta de se passionner pour les courses de chevaux, afin d’imiter les préférences des officiers nobles. La classe moyenne, aujourd’hui, achète des automobiles, afin de participer aux prestiges des millionnaires. Mais surtout chacun vise à passer pour un ingénieur habile, ce qui est excellent. Si les capitaines retraités, sous la Restauration, se vantaient de traduire Horace en vers français et si les jouvenceaux du temps jouaient au rimeur poitrinaire, bien des hommes d’aujourd’hui se louent de savoir changer congrûment la bougie et remonter promptement le cône d’embrayage. L’amateur de lettres cède la place à l’amateur de mécanismes. Comme jadis d’être poète, on se glorifie maintenant d’être ajusteur. Ce qui légitime d’ailleurs les prophéties des socialistes. Ils assurent que, dans le futur état collectiviste, les riches d’aujourd’hui s’habitueront vite à se divertir des labeurs manuels dans les ateliers publics, pendant les quatre heures de travail allouées égalitairement aux trente-huit millions de Français. La bourgeoisie se hâte de démontrer que ses adversaires ne se trompaient point. Chose piquante extrêmement. Chose respectable et neuve.