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le poète et le mécanicien

fection contemporaine du roman et de l’histoire a marqué un énorme progrès dans la pensée littéraire, mille découvertes du laboratoire inaugurèrent une ère admirable de la pensée scientifique et industrielle. Les fortunes qui s’édifièrent autour des vérités chimiques attirèrent les convoitises. Je me souviens qu’au sortir du lycée tous mes cousins, leurs amis, s’éprenaient de l’électricité. Ils me méprisaient beaucoup parce que les études historiques et philosophiques m’accaparaient. Eux prodiguaient toute leur attention aux locomotives, aux signaux des gares, au fonctionnement du télégraphe, à l’énergie des piles et aux forces expansives des gaz dégagés par la conflagration de la poudre dans leurs fusils de chasse. Leur avide curiosité négligeait les âmes et les intelligences humaines afin de scruter les mystères de la nature. Ils achetaient des téléphones, de petites machines à vapeur, des bobines Ruhmkorff. Ils combinaient des avertisseurs d’incendie. Ils sacrifiaient des souris à coups d’étincelles électriques. Ils fabriquaient du gaz d’éclairage chez eux : Ils étudiaient la force ascensionnelle avec des ballons de bazar.

Cet état d’âme ne fit que se développer depuis 1880 jusqu’à 1900. La bicyclette excita l’ardeur des calculs, l’amour de la vitesse. Quand l’automobile parut, elle combla les vœux. On pouvait donc posséder à domicile sa locomotive personnelle. On pouvait la démonter, la remonter, la graisser à son aise. On pouvait jouer au mécanicien, à l’ingénieur. On pouvait se plaire indéfiniment à l’examen des engrenages, des cylindres, des ressorts, des bielles. Tout ce que les professeurs avaient mis dans les cervelles, bouillonna. Exalté par le cycle, le culte de la vitesse et du voyage décupla, moins du voyage que de la vitesse.