Page:Adam - La Morale des sports.djvu/452

Cette page a été validée par deux contributeurs.

francs par an. C’est donc environ cinq cents louis que les familles acceptent de verser en sus de leurs dépenses ordinaires, afin de goûter le délire de la course rapide et les aventures des longues promenades. Grande merveille. Il semble intéressant de chercher les causes psychologiques d’un tel et heureux changement.

En voici, je crois, la principale raison : Mieux que les lettres, la science vulgarisée amuse les hommes. Devant leurs yeux, les œuvres d’imagination ne détiennent guère plus de valeur que les vaudevilles. Tolstoï, qu’ils lisent pas, ou peu, semble à leur croyance un esprit dans le genre d’Alexandre Dumas. Ils ne distinguent pas très sincèrement Flaubert d’Octave Feuillet. Tout cela ce sont des histoires galantes destinées aux collégiens et aux femmes rêveuses. On se pique de goût pour l’exact et le précis. Ainsi, quelques cuistres ayant relevé les minces erreurs archéologiques de Salammbô, cette œuvre perd de son mérite auprès du public. Il tient les inventions des livres pour choses frivoles et dignes du sourire. Ce sont des jouets. Souvent on ignore que la littérature façonne les âmes des générations à venir. On oublie que Jean-Jacques et les encyclopédistes créèrent l’état d’âme qui fit la Révolution. On ne sait pas que Balzac et Stendhal préparèrent en construisant Rastignac et Julien Sorel, l’arrivisme de la jeunesse contemporaine. S’il tue sa bonne amie traîtresse afin de venger son honneur, le vitrier raisonne comme les héros du romantisme qui se démenèrent sur les scènes du boulevard du Temple, à l’Ambigu. Le naturalisme a préparé l’avènement du parti socialiste en démasquant la classe moyenne de ses hypocrisies nécessaires. La littérature crée les mœurs pro-