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le duel et l′honneur

ces pitoyables algarades. Dans nos foires, les baraques de lutteurs se remplissent aisément. On aime que le nègre, après avoir terrassé le naïf amateur, l’étrangle un peu, ressaisi par les instincts cruels de son Dahomey. On se souvient encore de ces lutteurs turcs qui laissaient des flaques de sang sur la place de leur étreinte silencieuse et tortionnaire.

Ce genre de représentations ne contente pas uniquement la couardise et la méchanceté natives du public. À force de voir combattre, à force de penser avec impatience aux moyens qu’elle invente pour déjouer les attaques mieux que le professionnel dont elle critique les fautes, l’assistance gagne une certaine excitation ; même une envie de descendre dans l’arène. Les optimistes allèguent que ce désir habitue au courage. Les pessimistes assurent qu’il entretient plutôt la survivance de la barbarie ancestrale dans notre cœur qui se bonifiait. Au reste, si la convoitise de paraître vaillant, peut conseiller celui qui se commet avec des lutteurs, un autre sentiment persuade le curieux d’épier le cycliste-acrobate qui va descendre à toute vitesse, et par le simple poids de sa machine, la pente dune piste subitement relevée, puis recourbée en l’air, en forme de boucle ; ainsi, pendant une fraction de seconde, il courra, la tête en bas, et les roues au plafond, maintenu par la force centrifuge. La satisfaction de la foule ne consiste point à louer l’audace de cet exploit, mais à goûter la crainte et l’espoir de la chute immanquable. C’est une vilaine perversité.

Redoutons qu’en faisant montre de bravoure, les escrimeurs à l’épée démouchetée n’excitent surtout ces honteux appétits dans les âmes de leur public. En tout cas,