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la morale des sports

nos facéties furent mal appréciées, où notre faconde nous rendit antipathiques, où nos réparties tardives et incolores nuisirent à la réputation de notre intelligence. Leur nombre nous effraye. Que de malheurs, petits et grands, déterminèrent les traits malicieux que nous décochâmes afin de briller ? Combien de fois l’élan de la discussion nous grisa jusqu’à une drôlerie calomnieuse et funeste à des innocents qui n’en peuvent mais ?

Le bavardage suscite la méchanceté latente en chacun. Il l’aiguise. Au détriment du prochain, toujours ou presque, nous divertissons nos interlocuteurs. Or, le prochain, informé, se venge. Il mine notre influence. Il blâme nos actes à son tour. Notre injustice attire son injustice. Et nous vivons dans une atmosphère hostile qui nous fait hargneux, rageurs et rancuniers. Il faut dépenser des forces pour la parade et la riposte. Cette guerre nous épuise. Nous négligeons nos devoirs, notre œuvre, nos chances, afin de nous protéger dans de basses et d’absurdes querelles, dans d’ignobles intrigues.

À cela beaucoup consument leur vie. C’est un défaut latin ; c’est le côté italien de notre nature gallo-romaine. Le Gaulois en nous pérore. L’Italien raille, hait, se venge. Après le sentiment amoureux où s’alanguissent et s’atrophient les vigueurs de notre plus bel âge sous le joug des maîtresses, le bavardage est la principale cause de la décadence que nous promettent les Germains. Nous donnons à nos amantes et à nos haines toutes les forces que les races nordiques prodiguent à leurs espoirs de fortune, à leur rêve de puissance. Ils agissent tandis que nous causons. Aimer. Parler. Voilà les deux ennemis de la nation, et qui la mettront en infériorité historique si nous