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LES MUSES ET LES SPORTS

sa physionomie, une troupe de pécheurs qui laissent leur barque pour la suivre, le harpon au poing. Sur la pente du mont sacré, déjà, Terpsychore danse et s’élance devant trois coureurs juvéniles tendus vers le but. À la fin du cortège, Uranie consulte les astres en agissant sur le gouvernail de sa nef qui vogue dans le sillage de Pégase atterrissant. Parmi les mêmes vagues nage, d’une main, l’harmonieuse Euterpe, tandis que, de autre, elle fixe contre ses lèvres la double flûte et, par ses souffles, imite les mélodies du flot épanché. Ainsi les Neuf Sœurs s’efforcent autour de Pégase, dont la queue écailleuse fouette encore la mer, mais dont les sabots émergés frappent les galets atteints, et en tirent l’étincelle.

Cette singulière image prête aux Muses des apparences combatives. Leurs forces ne semblent pas être seulement celles de l’âme. Clio qui dicte l’Histoire, Melpomène la Tragédie et Calliope l’Épopée, y figurent en armes, à la façon de la sage Minerve elle-même. Et ce fut bien ainsi que vécut l’âme du seizième siècle. Montaigne comme Agrippa d’Aubigné joignirent à une culture mentale très supérieure une précellence de gentilshommes cavaliers, duellistes, chasseurs, guerriers, tireurs à l’arquebuse et au pistolet, tacticiens, courtisans. En aucune époque l’homme ne fut plus complet. Avant, de se charger, les noblesses huguenotes et catholiques échangeaient, de camp à camp, pour se distraire, les volumes grecs et latins naguère édités par les Estienne. Les élites des armées, du parlement, de la cour s’entretenaient aussi bien en