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LA FORCE 11 les havresacs poilus qui reculaient jusqu’à lui ; car, rom- pant leur muraille humaine, un de ses soldats, la gorge ouverte par le sabre d’Ilcrmentlial, s’écroulait après avorr embroché le cheval d’Auscher, au poitrail. La herse de baïonnettes se divisa. Fou, le junker bâtonna les bonnets à poil de ses fantassins bousculés par les chevaux et vers qui plon- gèrent aussi les sabres, « Schweine !... Schweine!... Fiichse ! » hurlait-il, pôle et vert, en trépig-nant. « Rendez-vous, Monsieur! » ordonna Bernard Héri- court qui poussa son cheval jusqu’à lui, et lança son sabre vers la eravate de crin. En même temps, il sen- tit du froid crever sa cuisse... Un grenadier hagard retirait sa baïonnette dont les rainures contenaient une sorte d’huile rouge...: « Mon sang... » pensa le jeune homme. Peu de mal l’affligeait. 11 soulîrit plus au bras du coup asséné contre son sabrepar la canne du junker en délire qui la faisait tournoyer sans même extraire sa mince épée du fourreau. « Mais rends-toi donc, imbé- cile... » Furieux, Iléricourt leva le sabre. Un Autri- chien encore s’écroula entre eux. Le cadavre éventré entraîna la canne du muscadin viennois ; la crosse d’Auscher enfonça le vaste chapeau où disparurent le joli visage, les lèvres de rose et le catogan poudré... Aveugle, vociférant sous le feutre, le junker fut pris... Alors les grenadiers jetèrent les fusils et levèrent les mains vides pour marquer leur désir de paix. « Brod!... Brod !... » demandèrent les houzards. Ils empoignèrent, chacun, leur Autrichien par l’épaule et, laissant le sabre pendre à la dragonne, arrachèrent les pains serrés sous la courroie des havresacs. Sans descendre du cheval, qui versait par le trou du poitrail un gros jet rouge, Auscher mordit la miche à pleines dents ; et, tous ayant agi de même, les houzards mangèrent, devant les mines ahuries des t