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visite la servante, Hermenthal épiait, la pointe prête, les instants où sa lame pourrait atteindre un cœur. Et ils étaient de formidables gens, tous deux, les solides Alsaciens, sous l'étreinte desquels frémissaient les chevaux soufflants.

Héricourt ne sut que faire. Il s'estima inférieur, petit. Il menait sa bête, brandissait le sabre, ébréchait les baïonnettes, s'avouait ridicule pour la peur intime qui secoua ses intestins. « Qu'eût accompli César, à ma place ? » Il se désola de ne pas le comprendre. Aucune des figures autrichiennes tassées dans le rang, les yeux vitreux, ne lui sembla terrible. Les houzards trottaient, frappaient, en vain. Héricourt se demanda pourquoi le junker ne les prennait pas en flanc. A certains regards des fantassins vite coulés loin, puis revenus à la crainte des cavaliers, il pensa que des renforts lui arrivaient peut-être... Retourné sur la selle, il aperçut les schakos de son escadron, les trognes parées de cadenettes, les étoiles au front des chevaux gris, les lueurs des sabres droits. Au dédale des arbres, habilement, les houzards s'insinuaient, silencieux et prompts. Il entendit les fers claquer les flaques de boue.

Héricourt rallia tout son peloton contre les fantassins accablés déjà pas Auscher et ses coups de crosse. Il prétendit faire mettre bas les armes avant que son capitaine eût approché. Il aurait l'honneur de la capture, un grade. Sa peur disparut. Il hâtait la besogne de ses cavaliers ; il sabrait à tour de bras les uattre baïonnettes des grenadiers les plus solides.

« Rendez-vous, Monsieur ! » criait-il au junker, délicieux garçon coiffé en catogan et poudré jusqu'aux épaulettes. Celui-ci se démena, les larmes aux yeux. Il suppliait en allemand ses soldats. Il haranguait. Il hurlait. Il invectivait. De sa canne à pomme de porcelaine où la miniature d'une dame s'enchâssait, il frappa