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coule de plusieurs blessures, au cou, aux épaules, qui noie l’or de ses boutons, de ses broderies, qui ruisselle jusqu’au creux de ses mains tendues, pendant que sa forte voix réclame : « Et moi donc, mes amis, vous m’avez oublié ? » Puis, au lâche seulement blessé, et criant : « vive l’empereur ! » par espoir d’être épargné, elle riposte : « Va, pauvre soldat, ton Empereur a reçu comme toi le coup mortel ! » Enfin elle ordonne : « À moi, le peloton de réserve ! » et c’est trente tonnerres qui éclatent, qui voilent de fumée le héros. Il chancelle, s’écroule la face contre terre… Mais, pour l’enfant qui songe, il se relève aussitôt, dégouttant de liquide rouge, comme Médor, éperdu comme lui de se voir mourir.

Omer court plus vite, et la vision se développe devant les perspectives. Difficilement, le petit garçon peut reconnaître, au travers des fantômes, les perrons larges, les portes de chêne, les bâtiments de l’aile droite et la croix de fer qui domine, au pinacle de l’oratoire, deux poivrières enveloppées de vigne, les bâtiments de l’aile gauche et la tour massive pointant sa girouette dans l’azur. La maison entière se devine mal parmi les larmes et la transparence du général Malet qui rit comme la Mort. Il s’oppose à ce que l’enfant, sans le toucher lui-même, atteigne au bassin de la cour d’honneur. Le fantôme veut lui faire goûter le sang de ses doigts, et les offre aux lèvres déjà saumâtres comme si elles l’avaient bu.

À la cuisine, Omer trouva Médor, couché, la patte dans des toiles propres, et une mère consolatrice qui cajola son fils, qui l’emmena dans sa chambre, où elle changea de robe.

De ce jour, il cessa d’être indifférent au chagrin qu’inspire la mort des autres. Il examina plus soigneusement le portrait de son père dans le salon des colonnes. Une haine germa du fond du cœur contre l’Homme au nom de qui le colonel Héricourt, le général Malet