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Alerte, elle disparut dans sa robe envolée, elle cria :

― Médor ! Médor !

Omer pleura : Médor allait-il périr, l’ami joyeux de leurs promenades ? Le fantôme hideux de la mort envahit son imagination, en dépit de la lumière radieuse. Il approchait dans les bois d’automne. Était-ce sa menace, ou bien le vent, qui sifflait à travers les branches ?

Omer courut de toutes ses forces, sur les vestiges de sang ; et il lui parut que, sans défense, solitaire ainsi dans le vaste parc, il pouvait mourir de même façon que le chien.

― Maman ! maman ! ― appela-t-il, désespéré.

Elle ne répondit point, lointaine, déjà.

Essoufflé, toussant, il courut encore. Au lieu de s’animer pour compatir, les nymphes en marbre, du haut des socles, s’amusaient à retenir paisiblement leurs draperies linéaires. Il précipita sa hâte. Et sa frayeur croissait. Il se rappela tous les meurtres, celui d’Hiram et celui du colonel Héricourt, celui des filles de l’Ogre égorgées au fond de leur lit, celui de Léonidas, ce général Malet que les bourreaux de l’Empereur venaient de fusiller à Paris, et de qui le bisaïeul vantait les vertus, en insultant aux assassins, en répétant qu’une fois encore Hiram succombait avec la personne de Léonidas sous les coups des Mauvais Compagnons. La colère de ce deuil emplissait la maison. Tel que Médor, Léonidas avait ruisselé de sang, après la première décharge, qui ne l’avait point terrassé. Et dans l’esprit de l’enfant, l’image affreuse s’élargit, ainsi que la décrivait l’ancêtre, détail par détail, depuis cinq jours.

Dans une plaine couverte de peuple, et aux arbres chargés de faces humaines, de corps entrelacés aux branches, treize officiers, en uniformes, essuient, rigides, le feu des vétérans… Tous tombés, le général reste seul, droit, sous un plastron de sang qui s’é-